Miss Pissenlit / Andrée Poulin.

Manouane Denault, quinze ans, donnerait tout pour quitter Sainte-Cunégonde-du-Cap-Perdu et sa population étroite d'esprit qui rejette d'emblée tout ce qui est différent. Les ragots et les railleries quotidiennement professés par des commères qui font des gorges chaudes de la schizophrénie dont souffre sa mère sont en effet devenus trop lourds à supporter pour cette adolescente qui se sent comme un pissenlit: une fleur mal aimée et incomprise dont la majorité des gens n'a pas découvert les vertus. Comment pourrait-elle arriver à se construire entre une mère qui fait une fixation sur la Vierge Marie, un père qui voue une passion adorative à son élevage de vaches Holstein et un village tout entier qui ne voit en elle que la fille de la "cinglée-toquée-fêlée"? N'arrivant plus à contrôler la rage qui croît en elle, Manouane planifie sa vengeance: graffiter les bâtiments symbolisant le caractère obtus des villageois, telle la mairie, qui est dirigée par un homme enfermé dans ses préjugés. Heureusement, des rencontres providentielles la réconcilieront avec elle-même et lui feront réaliser que la vie n'est pas qu'une succession de misères: Mistinguett, l'excentrique propriétaire d'une boutique de lingerie, et Sankara, un jeune homme aussi séduisant que sensible qui a passé la moitié de sa vie au Burkina Faso... [SDM]

Un roman poignant qui file la métaphore du pissenlit pour dresser le portrait plus vrai que nature d'une adolescente à fleur de peau. Adolescente qui laisse peu à peu de côté sa peur, sa honte, sa rage bouillonnante, son comportement de victime et son pessimisme pour enfin accepter sa différence. Ceci en trouvant également le courage de s'affirmer, de s'ouvrir aux autres et d'avoir les conversations à coeur ouvert qui lui permettent de se réconcilier avec ses parents. C'est avec bonheur que l'on marche dans les pas de cette héroïne à la psychologie tricotée serrée qui nous livre ses états d'âme d'une plume alerte, efficace et teintée d'une touche de malice apportant la légèreté et la fraîcheur qui empêchent adroitement l'ensemble de sombrer dans la grande noirceur sans toutefois dénaturer l'intensité des sentiments qui animent les protagonistes. La multitude de digressions érudites, que l'auteure intègre avec une fluidité exemplaire au récit, favorise quant à elle la réflexion sur une foule de sujets (du travail de fermier aux vertus médicinales du pissenlit), servant parfaitement l'ouverture au monde prônée par la jeune narratrice. Bref, un récit lumineux et porteur d'espoir qui célèbre l'amour, l'amitié, les repas partagés entre amis et tous ces petits riens qui font la vie belle, invitant au passage à prendre l'existence à bras le corps et à lutter contre l'injustice. [SDM]

J++ 5.