Anne-- avant la maison aux pignons verts / Budge Wilson ; traduit de l'anglais (Canada) par Dominique Fortier.

La naissance de la petite Anne est, pour Bertha et Walter Shirley, la consécration de l'amour fou qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Leur bonheur est malheureusement de courte durée: une forte fièvre terrasse en effet les heureux parents à peine trois mois plus tard. Espérant qu'il leur reviendra une part d'héritage susceptible d'adoucir leur existence pauvre et misérable, Joanna Thomas, la bonne à tout faire du couple, convainc son époux alcoolique d'adopter la petite orpheline. C'est ainsi qu'Anne effectue ses premiers pas au sein d'une famille fortement éprouvée par la violence. Eliza, l'aînée, la prend toutefois sous son aile, lui racontant des histoires qui attisent son imagination et son amour des mots. Cette faculté de rêver donnera à Anne la force de supporter les dix premières années de sa vie, au cours desquelles elle devra subir les commentaires désobligeants sur son physique peu avantageux tout en s'éreintant à plaire aux deux couples qui la recueilleront en ne voyant en elle qu'une gamine susceptible de les décharger de leurs tâches ménagères et de leurs trop nombreux enfants... [SDM]

Publié à l'occasion du centenaire de "Anne... la maison aux pignons verts", ce roman relate la vie de la célèbre rouquine ayant séduit le monde avec son imagination débridée avant qu'elle ne soit adoptée par Marilla et Matthew Cuthbert. Si l'auteure construit son récit en s'appuyant sur certains éléments de la saga, elle n'arrive malheureusement pas à conserver la fraîcheur qui a contribué à son immense succès. Mise à part une écriture manquant de nuance et de subtilité, qui confère un caractère emprunté aux dialogues, la lourdeur du texte tient essentiellement aux trop nombreuses incohérences et invraisemblances qui sous-tendent la psychologie des personnages peu crédibles. On s'étonne par exemple de la mystérieuse compassion qu'éprouve monsieur Thomas pour Anne, sur laquelle il n'ose lever la main et dont il accepte les leçons de morale, professées dans des termes qui ne sont pas ceux d'une fillette de six ans. À trop vouloir mettre l'accent sur le développement précoce de la jeune héroïne, l'écrivaine lui prête non seulement des réflexions philosophiques ne seyant pas à une enfant de cet âge, aussi éveillée soit-elle, mais amène de surcroît les adultes à lui poser des questions impossibles: "Comment tu fais pour continuer à tirer du bonheur de la vie alors que tu as tellement... d'angoisse?" (p. 271) Un ouvrage qui laissera certainement une grande déception dans le coeur des inconditionnels de la série originale. [SDM]

J 3.

Titre original: Before Green Gables.