Jon / Malorie Blackman ; illustrations, Vladimir Stankovic.

Traduction de: Jon for short.

Jonathan, quinze ans bientôt, cherche désespérément à se souvenir des événements qui l'ont conduit dans le lit d'hôpital où il est cloué, entouré d'infirmières à la mine patibulaire qu'il a surprises à affirmer qu'il aurait mieux fait de mourir. Dévoré par une solitude insupportable, il voit par ailleurs ses nuits assaillies de terribles cauchemars où, dans la noirceur de sa chambre, des pas feutrés s'approchent de son lit tandis que l'éclat métallique du couteau de son mystérieux visiteur danse dans la lueur clignotante d'une lampe de poche. Oscillant entre rêve et réalité en raison des médicaments qu'on lui administre, Jon est convaincu que l'équipe médicale hostile qui l'entoure lui retire ses organes un à un au cours de la nuit. Mais pourquoi lui voue-t-on une telle hostilité et pourquoi la psychiatre, docteure Black, s'acharne-t-elle à l'appeler Joseph, du nom de son frère jumeau? [SDM]

Un très court roman dont l'atmosphère oppressante est instaurée dès la première page avec l'évocation du cauchemar qui revient nuit après nuit, s'étoffant lentement de chapitre en chapitre jusqu'au dénouement qui révèle la nature du fratricide à la source de l'amnésie du protagoniste. Dévoré par la cruauté du meurtre qu'il a commis, ce dernier évolue en plein délire paranoïaque, inversant les rôles afin d'occulter la réalité qu'il ne peut supporter, lui qui est au final convaincu qu'il ne reste de lui que sa tête et que tout le reste de son corps a été démembré par le personnel hospitalier: une métaphore évoquant avec une puissante intensité la culpabilité qui l'a complètement anéanti. Un thriller psychologique résolument sombre et profondément bouleversant de par son intensité, son inquiétante étrangeté et sa thématique délicate (la maladie mentale), dont la charge émotive est accentuée par une mise en page sur papier vanillé orné de multiples taches d'encre et de vignettes en noir et blanc, esquissées d'un trait anguleux et rehaussées de vigoureux gribouillis représentant le brouillard nimbant l'esprit du héros. Une oeuvre puissante qui évite les écueils du voyeurisme ou du macabre, mais qui n'est pas à mettre entre toutes les mains en raison de son thème difficile. [SDM]

J D.