Je te plumerai la tête / Claire Mazard.

Lilou, seize ans, voue une affection "totale, indéfectible, absolue" (p. 12) à son père, qu'elle surnomme affectueusement Papa Lou. À ses yeux, ce dernier n'incarne rien de moins que la perfection et elle fait bien attention de ne jamais le décevoir. Alors que sa mère se meurt d'un cancer du pancréas, les liens se resserrent encore entre l'adolescente et son père, qui lui demande de rentrer directement à la maison après l'école et qui lui conseille, "pour son bien", d'éviter de se rendre à l'hôpital. D'ailleurs, pourquoi s'y rendrait-elle alors que, d'après lui, sa mère ne parle jamais d'elle? Seulement, en y effectuant une visite sur un coup de tête, Lilou entend son père prononcer ces terribles paroles: "J'ai essayé de convaincre Lilou de venir te voir... Y a rien à faire... Elle refuse..." (p. 54). Dévastée, la jeune fille se questionne: se pourrait-il que son père lui mente? Lui, l'époux, le père et l'employé parfait, qui assure la direction de sa boîte de pub, les tâches ménagères, les repas et les visites quotidiennes à l'hôpital sans jamais rechigner? L'héroïne n'aura pas l'occasion de lever totalement le voile sur la vérité avant le décès de sa mère, mais le deuil qui s'ensuit fera surgir des doutes et des questionnements qui la conduiront à analyser le passé d'un regard neuf et à constater qu'elle a beaucoup plus de points en commun qu'elle le pensait avec cette femme dont son père a noirci le portrait pour mieux les éloigner l'une de l'autre... [SDM]

Un roman psychologique poignant, dérangeant et nécessaire, qui relate avec une justesse admirable la lente prise de conscience de Lilou, qui réalise peu à peu que son père est un pervers narcissique et un escroc de grand talent. Un manipulateur et un menteur, qui l'a manipulée depuis sa tendre enfance pour l'assujettir et la maintenir sous son joug en l'éloignant notamment de sa mère, à qui il avait fait subir le même sort. Des amis bienveillants et une tante psychologue (qui sèment des graines de réflexion sans effectuer de jugements trop brutaux) aideront notamment l'adolescente à accepter la terrible réalité, qu'elle se refuse tout d'abord à envisager. Le temps passe et, au fil des découvertes effectuées, elle redécouvre sa mère à travers des témoignages de gens qui l'ont aimée et des souvenirs d'enfance qu'elle avait oubliés. Souvenirs qui datent du temps où sa mère était une femme lumineuse et gaie. Avant que son époux monte tout le monde contre elle et la coupe de sa famille, de ses amis. D'une plume tout en finesse, l'auteure décrypte ainsi de façon chirurgicale toutes les étapes du cheminement qui permettra finalement à Lilou de se détacher de ce père qui la culpabilise sans arrêt, l'ensemble permettant par le fait même de révéler de manière très bien documentée les mécanismes de la perversion narcissique. Un grand roman, campé dans un petit village près d'Aix-en-Provence, à mettre entre toutes les mains dès 13-14 ans. [SDM]

J 4.