Telle que je suis / Elle McNicoll ; traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Dominique Kugler.

Cora, 13 ans, doit se rendre à une fête organisée par le patron de son frère Gregor, M. Magnus Hawkins. Elle y rencontre Adrien, le fils de M. Hawkins. Cora est autiste, elle se sent très seule depuis le déménagement de sa meilleure amie, et ni les enseignants, ni ses camarades de classe ne l'aident à s'intégrer. Adrien a un trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH), il est déscolarisé depuis plusieurs années et fait l'école à la maison. Les deux adolescents se comprennent et deviennent rapidement amis. Cora est fascinée par l'entreprise du père d'Adrien. L'Institut Grenade crée des hologrammes afin que des proches de disparus n'aient plus de deuil à vivre. Une fois le projet abouti, moyennant beaucoup d'argent, toute personne pourra continuer à rencontrer et à discuter avec un défunt, devenu virtuel et immortel. Cependant, lorsque Cora accepte d'être étudiée par la professeure Gold, elle découvre que ce programme cache un côté sombre. [SDM]

Ce roman de science-fiction met en scène des héros neuroatypiques et aborde le thème de l'eugénisme. En effet, le lecteur découvre progressivement, au côté de Cora, la narratrice, les objectifs réels de l'Institut Grenade: créer des hologrammes ressemblant à des personnes réelles, mais dont les particularités (tel que l'autisme, le TDAH, des handicaps) sont gommées. Cora souffre d'exclusion de la part de ses professeurs qui ne lui donnent pas les mêmes chances que ses camarades, non par manque de compétences ou de sérieux dans son travail, mais parce que ses habilités interpersonnelles sont différentes. Ses camarades se servent d'elle, dans les travaux d'équipe, pour qu'elle en fasse davantage. Cependant, grâce à Adrien, elle apprend à s'affirmer et à s'accepter comme elle est. Il respecte les moments où elle est en surcharge émotionnelle, ce qui permet à l'adolescente de vivre sans masque, quand elle avec son ami. Il est intéressant de voir que le père de Cora ainsi qu'Adrien sont, dès le début, très sceptiques sur le projet de l'Institut Grenade. Cora se fait manipuler. C'est par un chantage affectif qu'elle accepte de devenir cobaye. Si elle répond aux questions du professeure Gold, qui a gagné sa confiance, elle pourra passer du temps avec l'hologramme d'Adrien, alors que ce dernier est dans le coma, après avoir été renversé par un chauffard. C'est en discutant avec ce clone virtuel que l'adolescente se rend compte que la personnalité de son ami a été modifiée. Ce livre permet de célébrer la différence et l'unicité de chaque personne. La question du deuil est aussi au coeur du récit. Que sommes-nous prêts à faire, à payer pour retrouver une personne décédée? La vision du père de Cora sur le fait que le processus de deuil est nécessaire et que les défunts vivent toujours dans les souvenirs de ceux qui restent est très pertinente. De nombreuses pistes de réflexion autour de la différence sont exploitées. Peut-on considérer l'autisme et le TDAH comme des maladies? Comment se positionner face aux discours qui promeuvent de soigner les personnes neurodivergentes? Et comment reconnaître les forces et accepter les différences pour que tout le monde puisse réussir à vivre ensemble? Si, dans ce roman, les sujets sont profonds, l'écriture est fluide, richement dialoguée, et l'intrigue progresse à un bon rythme. [SDM]

J 4.