Le coeur de Mélodie / Sharon M. Draper ; traduit de l'anglais (américain) par Maud Desurvire.

Précédé de: Le silence de Mélodie.

Où l'on retrouve Mélodie, une jeune adolescente de bientôt douze ans, qui souffre de paralysie cérébrale. Bien que son corps soit cloué dans un fauteuil roulant électrique et qu'elle ne puisse s'exprimer que par l'intermédiaire d'un logiciel de synthèse vocale, elle est dotée d'un esprit incroyablement vif et a largement dépassé le niveau de scolarité des élèves de son âge grâce à sa volonté de fer et les enseignements de Madame V., une voisine infirmière d'une grande inventivité. Bien qu'elle soit parfaitement consciente qu'elle aura toujours besoin d'une certaine assistance, la jeune fille est assoiffée d'indépendance et d'autonomie. À force de persuasion, elle convainc ses parents de l'inscrire à une colonie de vacances dédiée aux enfants ayant des besoins spéciaux où ces derniers ont la chance d'avoir chacun une animatrice qui leur est totalement dédiée pour leur séjour d'une semaine. C'est entre exaltation et nervosité que Mélodie se lance tête baissée dans cette nouvelle expérience enrichissante où elle surmonte ses peurs, apprend à mieux se connaître et à se dépasser, expérimente de nouvelles sensations et noue ses toutes premières amitiés à vie avec Athena, qui souffre du syndrome de Down, ou encore Karyn, atteinte de spina bifida. [SDM]

Le parfum exaltant et enivrant des grandes vacances, de l'entrée dans l'adolescence et des premières fois imprègne ce roman lumineux donnant à plonger dans les pensées d'une jeune fille prisonnière de son corps, qui est animée d'un courage sans bornes ainsi que d'une farouche détermination à se réaliser et à saisir chaque occasion qui lui est offerte de faire les choses par elle-même. Cruellement consciente de ses capacités et de ses limitations, elle s'éloigne ici de sa famille pour la toute première fois, se lançant à corps perdu dans une aventure qui lui permet d'élargir ses horizons et d'appréhender un nouveau monde avec tous ses sens en se livrant à de nouvelles expériences qui paraissent banales au commun des mortels, entre natation, équitation, feu de camp et simples discussions entre copines. Les amitiés se nouent en effet avec naturel et facilité dans cet univers où elle se sent comprise, où elle se sent pour la première fois exister dans le regard d'un garçon et où les installations lui permettent d'être totalement elle-même, sans être jugée pour ses mouvements incontrôlés et les petits accidents qui en résultent. Touchants sont par ailleurs les liens que les jeunes tissent avec leurs animatrices douces, empathiques, à l'écoute et très engagées, qui déploient des trésors d'ingéniosité pour les aider à s'épanouir, à se dépasser et à passer une semaine exceptionnelle, et ce, tout en répondant à leur demande d'avoir quelques moments d'intimité et d'autonomie comme les filles "normales". Aucun pathos dans cette narration assumée avec vivacité par l'héroïne, qui croque dans la vie à pleines dents et termine son séjour très fière d'elle après avoir affirmé: "Je donnerais n'importe quoi pour que les gens me voient moi, d'abord, et non mon fauteuil" (p. 253). De quoi stimuler la réflexion des lecteurs sur le rapport de la société à la différence et au handicap. Un roman d'une belle justesse, rédigé d'une écriture sensible et limpide. [SDM]

J+ 5.