La symphonie des abysses. 1 / Carina Rozenfeld.

Premier tome d'une dystopie présentant la quête de liberté d'Abrielle, une adolescente habitée par des réminiscences musicales interdites sur l'Anneau, et qui, à 16 ans, ne supporte plus la rigidité des règles que lui impose l'atoll paradisiaque où elle a grandi, avec sa mère, jusqu'aux limites d'un immense mur qui les sépare d'une zone inconnue. Ceux qui ont tenté de le franchir ont péri. D'autres, comme son père, ont voulu fuir par le Cercle, cette surface d'eau parfaitement circulaire au centre de l'atoll qu'on dit le résultat de l'explosion d'un astéroïde géant, n'en sont jamais revenus. Craignant la haine d'un ancien compagnon de jeu devenu son amoureux, mais qui la déteste aussi depuis le mystérieux décès de leurs pères et parce qu'il la considère dangereuse (elle a été surprise à chanter à l'âge de 4 ans), Abrielle doit fuir son village entouré de dangereuses mangroves pour s'affranchir de cette vie étouffante et de ces Gardiens autoritaires et violents. Joindront sa quête, Sand et Cahill, deux Neutres asexués aux corps légèrement translucides et aux visages sans traits, qui habitent, quant à eux, une autre zone où les enfants naissent par insémination artificielle, alors qu'on a pris soin de leur retirer leurs chromosomes X et Y jusqu'à leur majorité, moment décisif où ils choisiront leur identité sexuelle. Or, Sa et Ca sont aussi en danger puisqu'ils ont osé s'aimer, se toucher et se promettre un amour inconditionnel, alors que nul n'a le droit d'éprouver de sentiments ou de rapprochements, sous peine de mort. Dans une quête dangereuse, ils vont enfreindre le règlement et partir à la recherche d'un passage, d'un ailleurs qui les appelle, "puisqu'Abrielle [a] la capacité de changer l'agencement de l'univers"... (cf. p. 162). [SDM]

Un roman de science-fiction original sur la force vitale et sur la quête d'identité et de liberté. Très descriptif, voire lyrique à certains moments, en ce qui a trait à la musique qui émane de la nature, et assez peu dialogué, l'auteure aborde, de manière poétique, la tyrannie de la pensée unique, et d'une certaine manière, de la domination hétérosexuelle masculine. Elle met en lumière la menace que peut représenter la lucidité et la différence pour l'oppresseur qui condamne alors toutes sources d'expressions et d'émotions, telles que, ici, la musique, la poésie ou le contact humain. Or la nature (ou le naturel) se charge de transmettre ici cette "symphonie" des Abysses (qu'on peut associer à l'espoir, au désir et à l'amour) et qui poussent peu à peu ces adolescents à choisir, eux-mêmes, leur destinée à l'aube de leur majorité. À noter que pour accentuer l'effet d'incomplétude des Neutres, dont Sa et Ca, l'auteure a choisi de les identifier par "iel" et "lea" au cours du début de la deuxième partie, ce qui peut égarer les lecteurs moins attentifs: "iel" étant un amalgame de "il" et de "elle", "lea", de le et de la. Ainsi, après sa cérémonie de l'Injection, Ca, qu'on présente avec "iel" devient Cahill. Sa, qui choisit aussi de devenir un homme, devient, quant à lui, Sand. À noter aussi que les femmes du village d'Abrielle doivent, dès lors qu'elles atteignent l'âge de 16 ans, se vêtir entièrement pour se baigner en public et bientôt envisager le mariage. [SDM]

J 4.