Les mésaventures de Frédéric / [texte de] Ben Manley & [illustrations de] Emma Chichester Clark ; édition française traduite de l'anglais par Anne Léonard.

Frédéric vit en reclus dans sa chambre au sein d'un immense manoir dressé au coeur de la forêt. Bien qu'entouré de jouets, le jeune garçon s'ennuie terriblement, bridé par l'interdiction de sortie que lui impose sa mère depuis qu'une randonnée à l'extérieur s'est mal terminée. Lorsqu'une dénommée Émilie lui fait parvenir, via un avion de papier, une invitation à le rejoindre pour déguster une glace, le pauvre ne ainsi peut que refuser. Or, sa correspondante ne renonce pas aussi facilement et lui fait parvenir de nouvelles invitations dans les jours qui suivent, que ce soit pour grimper aux arbres, faire du vélo, se baigner dans le lac ou encore explorer la forêt. Frédéric les refuse une à une, arguant qu'il pourrait se casser les deux clavicules, s'écorcher la peau du derrière, attraper une pneumonie ou se faire piquer par des frelons sans pitié. Mais, serait-ce la fin du monde? [SDM]

Un récit épistolaire débordant d'humour et de charme, qui dédramatise avec énormément d'originalité et de fraîcheur les petits bobos et mésaventures de l'enfance en démontrant l'importance que revêtent les expéditions, les jeux, la prise de risques calculés, les rencontres et les grandes amitiés dans l'épanouissement d'un individu. Les missives traduisent à merveille la personnalité des deux héros. L'intrépidité et la liberté dont jouit Émilie se reflètent dans des lettres courtes, qui vont droit au but, tandis que Frédéric, rêveur, fait quelques détours et célèbre la nature, qui reflète ses états d'âme mélancoliques, avant de refuser l'invitation de sa correspondante, qu'il vouvoie en parfait gentleman aux manières surannées: "Le vent mélancolique soupire à travers le feuillage doré du chêne. C'est avec un immense regret que je vous informe que je ne pourrai pas faire de vélo cet après-midi"... Cet échange de lettres est magnifiquement appuyé par des aquarelles, finement relevées à la mine, qui font s'opposer les environnements très différents des deux enfants. Le jeune garçon est ainsi campé dans un majestueux manoir anglais richement meublé, dont les murs et hauts plafonds sont ornés de tentures, de bibliothèques et de tapisseries aux motifs floraux et animaliers qu'il observe avec ses jumelles en rêvant de l'extérieur. Extérieur qui s'invite d'ailleurs peu à peu dans son antre aux couleurs sombres et feutrées au fil des invitations reçues, fleurs, oiseaux, écureuils et feuilles d'automne tourbillonnantes s'immisçant tour à tour par la fenêtre. Ces intérieurs tranchent énormément avec la nature luxuriante et lumineuse au sein de laquelle Émilie s'en donne à coeur joie au fil des saisons, filant comme l'éclair dans les champs fleuris aux parfums printaniers, faisant fuir les bernaches en effectuant un plongeon dans le lac illuminé par le chaud soleil estival ou construisant une cabane dans les bois ayant revêtu leurs atours automnaux. Cette escapade enlevante dans le petit monde de l'enfance se termine sur une note joyeuse, pleine d'espoir et de résilience, alors que le bambin exprime son envie de rejoindre bientôt son amie en dépit de la blessure qu'il a récoltée de leur précédente sortie. Un superbe album pour stimuler la réflexion des parents surprotecteurs et des enfants craintifs. [SDM]

E+ 5.