Quand l'amour court / [texte de] Thierry Lenain ; [illustrations de] Barroux.

"Il y a des histoires d'amour longues et des histoires d'amour courtes." (p. [2]). À son grand dam, Paola est pour sa part née d'une histoire d'amour courte. Au terme de longues et violentes disputes qui la faisaient trembler de peur, ses parents ont choisi de mettre un terme à leur union. Désormais, elle vit en alternance avec l'un et l'autre, ayant parfois l'impression de n'être que de passage dans leur vie. S'ils prennent soin de lui assurer qu'ils continuent de l'aimer lorsqu'elle n'est pas près d'eux, il est difficile pour la fillette de cesser de rêver de voir sa famille à nouveau réunie. Aussi, lorsque Papa ramène à la maison une femme qu'il embrasse et qui prend la place de sa mère dans le grand lit, Paola pique une grosse colère. Mais, un jour, Maman se fait aussi un amoureux et la vie reprend son cours, lentement... [SDM]

Un album poignant qui aborde la séparation (ou le divorce) à travers le prisme d'une fillette très sensible avec laquelle on traverse toute une gamme d'émotions, de la peur à la colère en passant par l'espoir, la désillusion, l'inquiétude, la tristesse et l'acception. Une grande charge émotive imprègne chacune des pages, nourries par des métaphores et des images évocatrices, voire parfois violentes. Tel est le cas d'une scène présentée au début du récit, où la narratrice fait du bricolage lorsqu'une terrible dispute éclate: "Maman criait. Papa hurlait. Je découpais. J'avais de plus en plus peur, dans mon coeur et dans mon corps. Papa a poussé maman. Il l'a poussée dans le couloir, vers la porte. Il a ouvert la porte. Il a essayé de pousser maman dehors. Maman s'accrochait. Papa voulait l'arracher de lui, l'arracher de la maison. J'ai crié: Arrête, papa! Arrête! / Il essayait de refermer la porte sur maman. - J'ai les ciseaux, fais attention, j'ai les ciseaux!" (p. [4]). Le graphisme ajoute à la puissance de cette scène troublante en campant la fillette et ses ciseaux dans une bulle délimitée par des pointillés et cernée d'un ciel gris et orageux. Des digressions et des retours dans le passé, qui retracent notamment la touchante première rencontre des parents de la fillette et les débuts de leur relation amoureuse, émaillent par ailleurs la trame loin d'être linéaire. Le tout est bien servi par les compositions stylisées de Barroux, qui allie des esquisses à la plume (tour à tour vigoureusement hachurées et un peu brouillonnes) à des peintures aux traits vigoureux au sein desquelles le noir se dispute la place avec des orangés et vert aquatique vibrants. Un album entre l'ombre et la lumière qui sonne très juste, mais que l'on réservera à une lecture accompagnée. [SDM]

E+ D.