Les soeurs Grémillet. 3, Le trésor de Lucille / scénario, Di Gregorio avec la collaboration de Barbucci ; dessin & couleur, Barbucci ; traduit de l'italien par Camille Paul-Singeot.

Les soeurs Grémillet passent les vacances de la Toussaint dans une colonie de vacances sur la côte Atlantique, à Vierville-les-Bains. Dès qu'elle en a la chance, Lucille, la benjamine, s'isole du groupe et file sur la plage afin de savourer un bénéfique moment de solitude, observant les mollusques et crustacés dans les trous de mer en songeant qu'elle aimerait bien avoir une coquille et se couper du monde dont elle est incomprise afin de ne plus rien entendre que le vent et le bruit des vagues. Son séjour et celui de ses soeurs prend un tournant imprévu lorsque leur maman leur apprend qu'une partie de la famille est originaire de la région, dont une certaine Ludivine, excentrique cousine de leur grand-mère, qui est disparue du jour au lendemain sans laisser de traces. Il n'en faut pas plus pour que les héroïnes ouvrent l'enquête pour en apprendre davantage. Leur quête commence dans le cimetière, où elles découvrent cette étrange inscription sur la tombe de leur ancêtre: "Mon coeur restera à tout jamais sur la côte, près de mon trésor, que je lègue à qui saura le trouver". Alors que ses soeurs partent explorer les ruines de l'hôtel où a logé leur aïeule à la Belle Époque en imaginant déjà mettre la main sur le butin d'une flibustière ou d'une contrebandière, Lucille s'offre un nouveau moment de réflexion sur la plage, où elle découvre une baleine échouée. Réussira-t-elle à convaincre ses camarades et leurs moniteurs que l'animal tente de leur transmettre un message? [SDM]

Une bande dessinée proposant une intrigue simple, mais superbement ficelée donnant à plonger dans l'univers d'une fratrie terriblement attachante et criante de vérité. Le spectateur s'attache ici tout particulièrement à Lucille, une jeune fille réservée et extrêmement sensible, qui préfère nettement la compagnie des animaux à celle des humains, ces derniers la considérant comme une extraterrestre. À commencer par ses deux aînées, qui s'asticotent sans arrêt et ne cherchent pas à la comprendre. Les carnets de la défunte tante Ludivine, éthologue avant l'heure, permettent toutefois aux héroïnes de consolider leurs liens. Alors que Lucille comprend que nous, les humains, sommes aussi des animaux et que, comme eux, "nous sommes faits pour collaborer [, que] nous avons besoin de nos semblables et [qu']ils ont aussi besoin de nous (p. 60), Sarah et Cassiopée lui demandent pardon de n'avoir jamais compris son amour pour les animaux et lui prêtent main-forte pour l'aider à sauver la baleine échouée et transmettre aux autorités le message que cette dernière cherchait à leur communiquer. La finesse des sentiments évoqués sont sublimés par le graphisme d'une grande douceur et d'une élégance indéniable, qui traduit parfaitement la personnalité des trois soeurs, campées dans des décors côtiers diurnes et nocturnes auxquels des jeux d'ombres et de lumière soignés confèrent une grande poésie. Les compositions traduisent notamment magnifiquement le sentiment de solitude de la benjamine, qui se réfugie sur la plage, face à l'immensité de l'horizon, tandis que ses soeurs participent aux activités de navigation. Réalisés dans de lumineuses tonalités à dominante pastel, ces tableaux confèrent par ailleurs une ambiance particulière à la quête menée par les héroïnes dans le cimetière, puis dans le vieil hôtel abandonné, dont la beauté déchue se révèle dans la lumière douce et enveloppante de l'aurore. La visite d'un vieux phare à l'heure où une tempête se prépare et les plans émouvants traduisant la communion de Lucille avec la baleine au regard allant droit au coeur prennent également vie avec une infinie délicatesse. Un petit bijou de la lecture pour réfléchir aux relations humaines et à l'impact de l'homme sur la nature qui l'entoure. [SDM]

E++J+ 5.