Nos mains en l'air / Coline Pierré.

Dans la famille de Victor, 21 ans, on est braqueur de père en fils. Une destinée que ce jeune homme doux et sensible refuse de tout son être, lui qui rêve simplement d'une existence paisible, de tomber amoureux et de lire des bouquins qui le bouleversent. Pour expier la culpabilité qu'il éprouve en participant aux braquages en compagnie de son père et de ses deux frères, tous plus violents les uns que les autres, il travaille donc comme bénévole à l'Association de défense et de soutien des victimes, où il écoute avec horreur des hommes et des femmes raconter des traumatismes qu'il a lui-même contribué à causer. Yazel, elle, est une jeune sourde de 12 ans, qui vit sous le toit d'une tante richissime, mais égocentrique depuis le décès tragique de ses parents. Le soir où Victor croit cambrioler l'immense manoir vide, il se retrouve face à cette jeune fille, qui lui propose candidement de lui donner les bijoux et pierres précieuses que contient le coffre-fort s'il accepte en échange de la conduire au lac Pancharevo, en Bulgarie, où elle souhaite disperser les cendres de ses parents. Convaincu qu'il n'a plus rien à perdre et séduit par la détermination de cette fillette qui n'a pas froid aux yeux, le jeune homme accepte... [SDM]

Un récit psychologique d'une grande puissance, qui relate le voyage initiatique improbable qu'effectuent deux êtres écorchés par la vie, à savoir un jeune homme doté d'une sensibilité à fleur de peau, qui refuse catégoriquement de perpétuer la violence du milieu dont il est issu, et une préadolescente lumineuse, qui tire une grande force de son handicap. Les portraits de l'un et de l'autre, terriblement attachants et criants de vérité, s'étoffent au fil des pages, et ce, au gré des silences, des conversations bouleversantes, des périodes d'introspection et des souvenirs qui affluent à leur mémoire. Ceci tandis que l'attachement similaire à celui d'un grand frère et de sa petite soeur qu'ils développent l'un pour l'autre les conduit à s'accepter tels qu'ils sont, ainsi qu'à se libérer de la colère et de la tristesse qui les submergeaient, leur permettant ainsi de s'affirmer et de trouver la force de couper les ponts avec la famille qui les emprisonnait pour s'en construire une nouvelle, dotée de valeurs qui leur ressemblent. Justesse, émotivité et poésie imprègnent le texte, magnifiquement nourri par le regard très particulier que portent les deux héros sur le monde qui les entoure, ainsi que par l'amour des mots, des arts et de la littérature de Victor, à qui sa jeune compagne de voyage demande de traduire des sons en images dans un exercice ayant quelque chose de proustien. De belles réflexions sur notre vision du handicap jalonnent également ce récit d'une grande puissance, qui oscille entre drame et légèreté avant de se conclure sur une chute lumineuse et porteuse d'espoir. Magnifique. À savourer à compter de 13-14 ans. [SDM]

J 5.