Ceux qui décident / Lisen Adbåge ; traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy.

Dans la cour de récréation, il y a "ceux qui décident" et "ceux qui n'ont le droit de rien faire". Les premiers, au nombre de quatre, font la loi et exercent leur pouvoir tyrannique sans être remis en question, tandis que les seconds se contentent de leur laisser la balançoire et l'aire de jeux qu'ils revendiquent, allant même jusqu'à laisser leurs bourreaux démolir la cabane qu'ils ont construite. Or, lorsque les oppresseurs constatent qu'ils ne sont pas suffisamment nombreux pour jouer au ballon et qu'ils leur donnent l'ordre de rejoindre le terrain après les avoir relégués au rang de spectateurs, les opprimés unissent pour la première fois leurs voix afin de refuser de se soumettre une fois de plus. "Et soudain, c'est nous qui avons décidé." [SDM]

Un album abordant l'intimidation et le harcèlement au fil d'un récit intelligent, qui évite très adroitement toute tendance moralisatrice afin de démontrer que la solidarité et l'entraide ont le pouvoir de changer les choses et d'inverser les rapports de force. Au fil des pages, on suit les déboires des jeunes opprimés, qui conservent leur sourire et leur bonne humeur, répondant chaque fois aux exigences de leurs bourreaux en se contentant d'aller jouer plus. Ceci tandis que les adultes brillent par leur absence et que les enfants, qui assistent aux événements depuis les fenêtres des immeubles donnant sur la cour, les rejoignent et grossissent peu à peu leurs rangs. L'auteure suscite ainsi avec subtilité une réflexion sur l'intimidation non seulement à travers texte marqué par la répétition, mais également par les illustrations qui l'accompagnent. Des illustrations naïves, réalisées dans un mélange de pastel, de crayon de bois et d'encre noire, dont l'esthétique évoque les dessins d'enfants. L'artiste peint ingénieusement la bulle des enfants malmenés, mais toujours optimistes dans des couleurs vives, qui traduisent le bonheur de l'amitié, alors que les bourreaux et le monde autour y sont griffonnés en noir et dans des couleurs plus sombres témoignant de leur hostilité. Un album nécessaire et percutant, dont le sujet difficile est traité en douceur. Un très bel outil d'intervention à exploiter avec les enfants dès 5 ans. [SDM]

ME+ 5.