Espoirs / Mưọn Thị Văn ; illustrations de Victo Ngai ; texte français de Maggalie Prosper ; relecture de Jean-Paul Ngọc Duy Nguyễn.

"La nuit espérait être plus paisible. La valise espérait en contenir plus. La lumière espérait pouvoir nous illuminer..." À la faveur de la nuit, une fillette et sa famille quittent la maison de son grand-père et s'entassent avec des dizaines d'autres infortunés à bord d'un bateau minuscule. C'est le début d'un voyage en mer interminable et périlleux au cours duquel ils s'accrochent à l'espoir d'accéder ainsi à une vie meilleure en affrontant, au péril de leur vie, les flots tempétueux et le soleil brûlant. "Et moi, j'espérais... / ne plus jamais avoir... / à espérer", conclut la fillette alors qu'une ville truffée d'immeubles fantaisistes se découpe à l'horizon, alors que se lève un nouveau jour rempli de promesses... [SDM]

Un album poignant, qui raconte l'exil d'une petite famille dans un texte poétique, déchirant et délicat, constitué de douze souhaits formulés par des objets et des concepts abstraits: le temps des adieux, qui espérait s'étirer davantage, le bateau, qui espérait être plus gros, le soleil, qui espérait moins brûler, la maison, qui espérait être plus proche, ou le coeur, qui espérait être plus vaillant alors que les forces s'amenuisent et que le découragement se fait sentir. Bien qu'il comporte à peine plus de 70 mots, le texte est particulièrement puissant et touchant, le choix de mettre de l'avant les pensées d'objets inanimés démontrant à quel point les héros agissent à contrecoeur, pauvres victimes fuyant des événements dramatiques sur lesquels ils n'ont aucun contrôle. Des aquarelles réalistes, finement rehaussées au pastel, donnent toute leur force au texte, qu'elles prolongent avec une grande éloquence en mettant en scène une famille vietnamienne, dont les visages transpirent tour à tour le chagrin, la peur, la détermination et le désespoir. Ceci jusqu'à ce qu'un paquebot arrache les voyageurs à leur embarcation de fortune et les débarque enfin sur la terre ferme. Des plans et cadrages bien exploités, de même que des volutes donnant à partager les souvenirs heureux, les prières et les rêves des protagonistes, ajoutent à la puissance de ces tableaux, qui se déploient sur les entières doubles pages à l'italienne dans une palette très nuancée où les tonalités terreuses et les bleus sombres de la nuit laissent peu à peu place à des roses, rouges et verts tendres, tandis que les riches lueurs du soleil réchauffent le coeur et l'âme. Un magnifique album, qui se clôt sur une note de l'auteure, qui raconte comment sa propre famille a quitté le Vietnam dans les années 1980, et de l'illustratrice, qui exprime l'émotion ressentie à la lecture du texte et la manière dont elle a souhaité rendre hommage à ce dernier par des compositions épurées, mais texturées. [SDM]

E+ 5.